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Hazara Toé : La femme modèle qui bouscule les normes

À 19 ans quand Hazara Toé fait son entrée remarquable à la Loterie nationale du Burkina (LONAB) au poste de secrétaire , la jeune fille d’alors avait déjà une idée claire de comment devenir la femme de ses rêves : celle d’une épouse et mère aimante tout en demeurant une travailleuse acharnée et respectée, portrait d’une féministe avant l’heure !

Le 22 juillet 1977, quand Hazara Toé fait son entrée dans le monde du travail en tant que secrétaire à la Loterie nationale du Burkina (LONAB), ses collègues et supérieurs hiérarchiques sont tout de suite impressionnés  par ses compétences. La « dame de fer » renouvelle ses preuves au quotidien et parvient à grimper « avec dignité » les échelons pour boucler sa carrière aux fonctions de contrôleur de service commercial en 2016 en passant par les responsabilités de caissière principale.

Le respect s’acquiert au prix de l’autonomie

Le jour où elle a perçu son premier salaire, Hazara Toé était contente de ne plus devoir compter «  sur personne ». À cet âge déjà, cette belle dame à la peau noire et scintillante surprend par sa vision peu courante de la notion du couple. « Lorsqu’un homme m’invitait, je refusais qu’il paie ma facture. Parce que le respect a un prix. Et il ne faut pas permettre que l’on remette en cause ta valeur réelle pour une valeur numéraire que tu peux assurer par tes dix doigts », estime-t-elle.

Le 02 avril 1982, Hazara Toé dit oui à Monsieur Drissa Toe. Alors contrôleur de l’aviation civile au niveau de l’ASECNA. Elle s’investit à fond pour la réussite de son mariage.

En 1994, le couple est confronté à un défi : celui de l’expatriation du chef de famille au Mali ( pays voisin situé à 900 kilomètres du Burkina). À cette époque, la tendance socioculturelle aurait pu conditionner la mère de deux enfants à sursoir à sa carrière professionnelle pour assurer la stabilité de son foyer.

Mais, la fille de l’homme d’affaire feu Moumouni Toé a bénéficié des conseils avisés de son père. «  La distance physique ne pourra jamais éloigner un homme qui décide d’être là ! », rassure papa. Un conseil que Hazara a eu raison d’écouter.

Une battante, un modèle inspirant !

Pendant 16 ans, la mère de famille a assuré avec brio l’éducation de ces deux enfants. Une éducation peu permissive, rigoureuse mais avec beaucoup d’amour et de complicité mutuels. Ce qui leur a permis de tracer un parcours admirable. Pour preuve, après leurs études dans des universités prestigieuses à l’ international, son fils a hérité de la passion paternelle en devenant pilote de l’air. Tandis que sa fille fait son chemin sur les traces de maman. Passionnée par le développement inclusif, Afsa Toé côtoie également la monnaie à travers ses responsabilités professionnelles dans une entreprise de microfinance. C’est une fille reconnaissante de sa chance ; elle compte assurer la relève dans la gestion de la laiterie, mais avoue sa peur de ne pourvoir faire autant que sa mère.

« Maman a su nous Inculquer des valeurs d’excellence qui nous guident dans la vie. C’est un modèle de femme inspirant au plan social et entrepreneurial », se réjouit-elle.

De 3000 francs à des dizaines de millions

Jouer le rôle de papa et maman du fait de la distance, travailler régulièrement toute la journée pour ne bénéficier que de deux semaines de congés par an est un quotidien difficile.

Mais, cela n’a pas empêché dame Hazara de rêver plus grand. Pour essayer de «  combler » l’absence de son époux en expatriation, elle élargi son cercle amical et regarde les séries télévisées avant de s’interroger sur la pertinence de ces choix. C’est ainsi qu’elle décide de les remplacer par une activité fructueuse. Ce pas en avant est d’abord matérialisé par l’ouverture d’ un « petit kiosque » dénommé « Café Rio » situé à la gare ferroviaire de Bobo-Dioulasso. En 2004, sur conseils de son cousin vétérinaire, elle ajoute un autre met à son menu : le yaourt ! C’est le début d’une belle aventure qui fera d’elle la gérante de la première laiterie certifiée NBF ( Normes Burkina Faso).

Au Burkina Faso, la filière laitière est une activité culturelle de la communauté Peuhl, mais à force de combativité, la laiterie Café Rio de Hazara Toé (issue de la communauté San composée généralement d’agriculteurs) est devenue la première et unique laiterie certifiée par les normes.

« Au départ, j’ai commencé avec un budget de 3000 francs CFA. Mais 20 ans plus tard, ma laiterie enregistre un Chiffre d’affaires annuel de plusieurs dizaines de millions », affirme-t-elle.

La production de yaourt est une activité très prenante. Elle exige aussi beaucoup d’exercices physiques. Des tâches difficiles que Hazara exécute brillamment du haut de ses 66 ans. Loin de s’en plaindre, elle se réjouit plutôt de leurs effets de jouvence. « J’ai retrouvé une nouvelle jeunesse grâce à la laiterie. Si j’étais restée oisive après ma retraite, je n’aurais certainement pas eu autant d’énergies et d’épanouissement personnel », reconnaît celle qui a l’air d’avoir dix ans de moins que son âge réel.

Sur tous les plans de la vie, Hazara ne s’est jamais fixée de limite saine. elle bouscule courageusement les codes sociaux pour exploiter son plein potentiel dans un monde marqué par les stéréotypes de genre.

Il y a quelques mois de cela, elle a participé à un voyage d’études en France. Cette expérience lui a permis d’améliorer la gamme de ses produits laitiers avec du yaourt fruité, du yaourt étuvé , de la crème fraîche et du fromage. Bien après l’introduction du “Gappal” et du “Tchakri” ou “Dèguè”, tous des produits dérivés du lait.

« Maman est abonnée aux décès et aux veillées de prières »

À 66 ans, Hazara n’est pas la seule personne du 3e âge qui traverse les frontières géographiques. Sauf que contrairement à beaucoup d’autres , elle évolue dans un cadre plus convivial avec beaucoup de perspectives.

L’humour est souvent utilisé pour comparer les trajectoires de vie après la retraite. Le fils d’une amie de Hazara ironise du fait que sa mère à lui soit désormais convertie dans des activités funèbres. « Maman est abonnée aux décès. Elle passe son temps dans les veillées de prières mortuaires . Elle voyage même pour lesdites occasions ».

Vue de la gamme des produits de la laiterie Café Rio sise à Bobo-Dioulasso

Même si le caractère contraignant de l’hyperactivité de Hazara a parfois créé des difficultés liées aux moments d’absence physique. Il n’en demeure pas moins qu’elle a toujours su compter sur le soutien de sa famille. « Je travaille souvent de 7 h à 22h. Et pour rigoler, mon mari aime dire que si tu ne veux pas voir Hazara, il faut venir à la maison. Mais si tu veux la voir, il faut aller à la laiterie », rapporte-t-elle en éclatant de rire. L’autre blague qui lui est régulièrement servie est la menace de fermer sa laiterie afin qu’elle prenne du repos. A cette « provocation”, Hazara répond toujours que son aventure avec le lait a franchi le cap de la passion pour devenir une relation vitale.

« J’invite les hommes à accompagner leurs épouses ! »

Mais en dehors de ces humours qui font rire tout le monde, Drissa Toe est un époux heureux et reconnaissant de la valeur que sa moitié incarne. « Même si tu n’aimes pas le chat, il faut reconnaître qu’il est souple. Mon épouse s’est toujours imposée par le mérite. C’est une femme très courageuse et résiliente. Elle a consenti d’énormes sacrifices pour atteindre ce niveau de réussite. Son endurance a apporté un grand plus dans la réussite de notre famille. Je la félicite. Et j’invite tous les hommes à accompagner leurs femmes dans l’accomplissement de leurs choix professionnels », exhorte-t-il.

Loin du traditionnel schéma de vieux assistés, depuis son départ à la retraite, Hazara porte fièrement sa cuve laitière avec des employés qualifiés. Dans ce partage intergénérationnel, la laiterie de Hazara sert de ferment pour l’ économie locale et l’accès aux travail pour les couches vulnérables. “Café Rio emploie généralement des étudiants, des veuves et des filles mères afin de les autonomiser”, explique-t-elle.

Photo de remise de la certification

Dans la sphère des entreprises durables au Burkina Faso. Le parcours exceptionnel de Hazara démontre comment une transition réussie d’une carrière de fonctionnaire à une entrepreneuse prospère peut redéfinir la vie professionnelle et familiale, même à un âge avancé.

Aminata SANOU, journaliste au Burkina Faso

 

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