Le micro-jardinage en zone urbaine est une technique commode pour les maraîchers urbains malgré le manque d’affluence dans le secteur. Une occasion saisie par les femmes de la Patte d’oie dont la plupart sont du 3ème âge pour assurer une bonne nutrition et des sources de revenus. Une descente au niveau de leur jardin potager a permis de mesurer leurs conditions de travail et de gestion.
Rare de voir en plein centre-ville une magnifique verdure. Néanmoins le jardin potager situé à la frontière entre Patte d’oie et Grand Yoff en est une parfaite illustration. Malgré, les agglomérations d’immeubles, la circulation dense et les activités commerciales tout autour du jardin, les potagers se portent à merveille dans ce lieu jouxtant les deux voies de la route menant vers Yoff. Ce travail est le fruit d’un groupement de femmes habitants les deux quartiers voisins. Dans cette espace clôturé par un mûr, les tables couvertes de variétés végétales occupent toute la surface et s’étendent sur des dizaines de mètres. Chaque femme gère une portion au niveau du jardin, où elle peut planter des légumes, des plantes en tisanes, des épices et des fleurs selon sa préférence.
Ces femmes dont la plupart sont d’un âge très avancé se retrouvent tous les soirs dans ce lieu pour entretenir leur domaine potager. Adja Awa Sakho est l’une d’elles, la soixante dizaine révolue, la mine radieuse elle s’occupe bien de ses plantes malgré un déplacement ralenti par le poids de l’âge. Elle fait des allers-retours entre la pompe à eau et ses tables ou surplombent différentes variétés végétales. Elle soutient qu’elle fait pousser beaucoup de plantes dans son petit espace. « Il y’a du nanas (ordinaire, menthe, sause et à base de gingembre) », fait-il savoir. « Je fais l’arrosage une fois dans la journée. La culture de la plupart de ses espèces végétales ne nécessite pas beaucoup d’eau », nous renseigne la vielle dame. Elle ne manque pas de préciser toutefois que certaines plantes se développent tout en se baignant uniquement sur l’eau.
Respecter la symétrie dans la fabrication des tables
Caroline Niang, formatrice en micro jardinage, de taille moyenne et de teint clair avec ses lunettes transparentes éparpillent le compost sur un support en plastique. Elle est dans le secteur du micro-jardinage depuis une dizaine d’années. Elle a emmagasiné une grande expérience dans la filière. Elle informe qu’il y’a une manière bien spéciale pour fabriquer les tables qui servent de support aux plantes. « Il faut bien respecter la symétrie pour la fabrication des tables, il faut aussi des planchettes de bois en cadres et en traversées, un petit tuyau appelé train pour sortir l’eau et les planches en largeurs doivent être posées au-dessus de celles en longueurs. Pour les instruments, il faut une équerre, un marteau, une perceuse pour la conduite d’eau et des clous. Il faut bien positionner les clous pour éviter qu’elles percent la toile. Il faut aussi trouer la largeur de la table pour le passage du tuyau. La toile est posée premièrement pour accueillir le substrat où doivent pousser les plantes », explique Caroline. La formatrice soutient que toute cette technique de fabrication est apprise aux femmes durant les cours théoriques et pratiques.
Ndiaya Traoré est responsable en chef de la formation pour le compte de la ville de Dakar, elle soutient que ce genre de projet a été initié depuis 2006 et est scindé en plusieurs phases. D’après la jeune dame, il a permis la capacitation et la formation de 9000 personnes dont 7000 femmes dispersées un peu partout à travers le pays. « Ce n’est pas une formation longue durée. Elle dure 5 jours mais peut être rallongée car les bénéficiaires n’ont pas les mêmes prédispositions, surtout qu’il y’a des illettrées parmi elles », fit-elle savoir. Selon Mme Traoré, la capacitation cible toutes les tranches d’âges plus particulièrement les jeunes filles et les femmes. Mais, Pour cette formatrice, il y’a que l’amour du micro-jardinage qui peut pousser les récipiendaires à faire de bonnes productions.
Tous les produits utilisés pour ce type de maraîchage sont bio
L’avantage de ce type de micro-jardinage est l’utilisation de produits non nuisibles pour l’environnement. « Tous les produits utilisés dans ce type de maraîchage sont bio. Ce sont des produits naturels, il y’a pas de pesticides, ni de polluants », explique Caroline Niang. Mme Niang soutient qu’elles utilisent de la coque d’arachide mélangé avec des sacs de riz pour substituer le sol et de la boue de vache ou de cheval pour faire pousser certaines cultures. Elle soutient qu’elle permet la récupération plastiques car certaines variétés végétales poussent dans des supports de bouteilles en plastiques. Cette méthode permet de produire un rendement de légumes ou d’épices en un temps record. Adja Awa Sakho explique qu’elle peut récolter deux ou trois fois en un mois.
Derrière ce rendement important se cache un bon chiffre d’affaires pour ses maraîchères urbaines. Doussou Camara et Ndèye Coumba Sall affirment qu’elles peuvent gagner 3000 fr et 4000 fr par jour. Elles soutiennent toutefois que la recette de la vente peut grimper des fois jusqu’à 10000 fr selon les périodes.
D’après ces deux maraîchères, le modèle de vente est direct. « Nous ne mettons en place ni un système d’écoulement, ni de livraisons auprès des grandes surfaces. Les clients viennent s’approvisionner directement et relayent les bienfaits de nos produits auprès de la population », explique Ndèye Coumba Sall. Avec cette activité génératrice de revenus, les maraîchères parviennent à bien gérer leurs foyers. Adja Awa Sakho confie être une ancienne couturière mais sous le poids de l’âge, elle ne pouvait plus continuer mais grâce à cette activité, elle couvre bien ces charges familiales.
Se nourrir et aussi vendre pour faire des rentrées d’argent
L’autre avantage de cette activité est aussi l’association de l’élevage. Ndiaya Diop, responsable du projet explique : « sous les petites tables de micro-jardinages sont construits des mini-poulailler pour élever des poussins ». D’après la jeune responsable, le but du projet est avant tout d’assurer la sécurité alimentaire pour les bénéficiaires et non à des fins lucratives. Elle soutient qu’au fil du temps, les maraîchères se sont rendues compte qu’elles peuvent en même temps se nourrir et aussi vendre pour faire des rentrées financières. Car l’autre atout de ces femmes est aussi la transformation des produits, Caroline Diop soutient qu’elles font des compositions d’épices et de tisanes très prisées par la clientèle.
« Toutefois, ce travail ne s’exerce pas sans difficultés, car l’eau ne couvre pas tout le périmètre du champs », affirme Adja Awa Sakho. D’après Ndiaya Diop, la coque d’arachide devient rare pendant l’hivernage et peut grimper jusqu’à 4.000 fr le sac. C’est pourquoi, ces femmes souhaitent un accompagnement en terme de financement et d’appui en fertilisants bio et en matériels. Elle confie toutefois, que cette activité permet aux femmes de préserver leur santé grâce aux efforts physiques et d’être au contact de la verdure.
Dans la perspective d’une valorisation plus soutenue du micro-jardinage, Ces femmes essayent tant bien que mal à entretenir leur activité et à sauvegarder les acquis du secteur.
D’autant plus que cette activité permet de produire une quantité importante en légumes et en fruits, elle pourra être un levier sur lequel le Sénégal peut s’appuyer pour atteindre les objectifs de l’autosuffisance alimentaire.