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Le combat quotidien d’une psychologue : concilier vie professionnelle et familiale au Burkina Faso

Derrière le sourire bienveillant de Rose (nom d’emprunt), psychologue burkinabé, se cache une ambition dévorante : révolutionner la prise en charge des troubles mentaux dans son pays. Mais derrière cette passion, c’est un combat quotidien qui se joue, un jonglage incessant entre sa vocation et les contraintes d’une société où les rôles de genre sont profondément ancrés. Son rêve de se spécialiser en Prise en charge des Neuropathologies Relationnelles (PNR) se heurte à des obstacles multiples : des normes sociales rigides, un manque de soutien institutionnel et une charge mentale disproportionnée. Son histoire, loin d’être isolée, est celle de millions de femmes en Afrique de l’Ouest qui aspirent à concilier vie professionnelle et personnelle, tout en étant confrontées à des défis souvent insurmontables.

Une vocation freinée

Rose, une psychologue passionnée exerçant depuis plus de deux décennies, rêve de révolutionner la prise en charge des troubles mentaux au Burkina Faso. Son ambition : se spécialiser en Prise en charge des Neuropathologies Relationnelles (PNR), un domaine encore inexploré dans le pays. En tant que seule psychologue burkinabé avec une base en PNR, elle pourrait significativement développer la psychologie au Burkina Faso. Une formation en Europe serait essentielle pour combler le manque de compétences spécialisées.

Cependant, plusieurs obstacles freinent son projet. Malgré la disponibilité de bourses, Rose fait face à des défis bureaucratiques et à des priorités institutionnelles divergentes. De plus, son mari s’oppose à son projet. La peur de l’éloignement et les normes sociales qui valorisent la stabilité du foyer pèsent lourdement sur sa décision. Ce sentiment de solitude et d’impuissance face à ces multiples obstacles génère chez Rose une profonde frustration. Elle se sent tiraillée entre ses aspirations professionnelles et ses responsabilités familiales, confrontée à un système qui semble parfois s’opposer à ses ambitions.

Les inégalités de genre limitent ses possibilités. La charge mentale des tâches domestiques, qui incombe majoritairement aux femmes, réduit le temps consacré à la formation continue. Les études de S. Flèche & L. Sénécal montrent que cette charge mentale non partagée contribue à des écarts de rémunération et à des opportunités de carrière limitées pour les femmes. La gestion des tâches ménagères empiète sur le temps de travail et l’énergie, entraînant stress et moindre satisfaction de vie.

Le manque de soutien institutionnel pour les femmes qui souhaitent étudier à l’étranger est un obstacle supplémentaire. Les normes sociales imposent souvent aux femmes un rôle traditionnel de mère et d’épouse, limitant leur développement professionnel. Le conflit entre les ambitions de Rose et les attentes de son mari illustre les contradictions des rôles de genre, qui privilégient souvent la stabilité familiale au détriment de l’épanouissement professionnel féminin.

D’après un rapport de l’Agence suédoise de développement international (SIDA), intitulé Vers l’égalité entre les genres au Burkina Faso, ces normes sociales perpétuent un cycle de dépendance économique et sociale pour les femmes burkinabè. L’inégalité d’accès à l’éducation supérieure est une cause majeure de ces limitations. “Chaque jour, je jongle entre travail et responsabilités familiales, ce qui freine mes ambitions”, explique Rose. Son histoire reflète les défis que rencontrent de nombreuses femmes burkinabé pour équilibrer vie professionnelle et vie personnelle face à des obstacles systémiques.

Le poids des traditions et des attentes sociales

Les traditions burkinabés sont comme un poids que les femmes portent sur leurs épaules. Rose, à l’image de nombreuses autres, est tiraillée entre sa carrière et les obligations familiales qui lui sont assignées. Ces rôles traditionnels, profondément ancrés dans la société, limitent considérablement leur liberté d’action et leur épanouissement personnel.

Les normes sociales et les rôles genrés, notamment dans les sociétés d’Afrique de l’Ouest, influencent profondément les trajectoires professionnelles et familiales des femmes. Norbert Kpadonou (2023) confirme cette réalité, en observant que les femmes en Afrique de l’Ouest sont souvent confrontées à une double journée, qui engendre un stress important et des répercussions sur leur santé mentale. Ces contraintes sont souvent renforcées par des systèmes patriarcaux et des traditions culturelles qui affectent leur capacité à s’épanouir pleinement dans leurs rôles professionnels.

Elle se voit obligée d’outrepasser son épuisement physique et psychique pour aider ses patients, au risque de compromettre sa propre santé mentale. Son témoignage est un cri d’alarme qui résonne au-delà des frontières du Burkina Faso. Les racines historiques et culturelles des inégalités de genre en Afrique de l’Ouest, renforcées par des systèmes patriarcaux et des représentations genrées limitantes, expliquent en partie la persistance de ces stéréotypes. Cependant, des changements sont possibles. En travaillant ensemble, hommes et femmes, nous pouvons construire une société plus équitable où chacun puisse s’épanouir.

Le rapport Vers l’égalité entre les genres au Burkina Faso souligne également que l’autonomisation des femmes repose non seulement sur la transformation des perceptions culturelles, mais aussi sur l’amélioration des cadres législatifs pour promouvoir les droits des femmes. Le rapport met en évidence l’importance de l’éducation et de la formation professionnelle pour offrir des opportunités aux femmes d’échapper aux normes traditionnelles.

Les conséquences sur le bien-être

La double journée de travail de Rose – à la fois professionnelle et domestique – a de lourdes répercussions sur sa santé physique et mentale. Fatigue chronique, stress et anxiété sont devenus ses compagnons quotidiens. Une étude de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) de 2017 révèle que les femmes qui équilibrent travail et responsabilités familiales sont plus susceptibles de souffrir de dépression et d’anxiété.

 

Les femmes comme Rose, qui jonglent entre leurs vies professionnelle et personnelle, sont souvent confrontées à une double peine : non seulement elles doivent faire face à une charge de travail excessive, mais elles sont également stigmatisées lorsqu’elles expriment leurs difficultés.

Cette stigmatisation, combinée à d’autres formes de discrimination, contribue à isoler les femmes et à aggraver leur détresse psychologique.

 

 

Vers un changement durable

Pour améliorer la situation des femmes comme Rose, une transformation profonde de la société est nécessaire. Plusieurs leviers d’action peuvent être envisagés :

Au niveau individuel

Les femmes peuvent s’entraider en créant des réseaux de soutien. L’Initiative Pananetugri pour le Bien-être des Femmes en est un exemple concret : grâce à des ateliers, du mentorat et un accès facilité au crédit, elle a permis à de nombreuses femmes de s’épanouir.

Au niveau familial

Une répartition équitable des tâches domestiques est essentielle. Les hommes jouent un rôle crucial en participant activement aux tâches ménagères et en éduquant leurs enfants à l’égalité. Des campagnes de sensibilisation pour encourager le dialogue au sein des couples peuvent faire une réelle différence.

 

 

Au niveau professionnel

Les entreprises doivent adapter leurs politiques pour favoriser la conciliation vie professionnelle-vie personnelle. Des initiatives comme le télétravail, les horaires flexibles et les congés parentaux mieux rémunérés peuvent être mises en place. De plus, il est essentiel de promouvoir des facilités telles que des bourses d’études pour les femmes, ce qui pourrait encourager le développement professionnel tout en soutenant les responsabilités familiales. Ces mesures peuvent contribuer à réduire le stress et à améliorer la qualité de vie des employés tout en favorisant l’égalité des opportunités.

Au niveau politique

Bien que le Burkina Faso ait fait des progrès notables avec des plans comme le Plan National de Développement Économique et Social (PNDES) , des défis persistent. Des politiques publiques ambitieuses sont nécessaires pour promouvoir l’égalité des sexes. Cela passe par le renforcement des quotas de genre dans les instances de décision, le soutien à l’entrepreneuriat féminin, et l’amélioration de l’accès des femmes à l’éducation et à la santé. Des programmes spécifiques, comme ceux mis en place au Sénégal par ONU Femme , qui visent à renforcer l’autonomisation économique des femmes rurales, peuvent inspirer le Burkina Faso.

L’histoire de Rose nous rappelle que les normes sociales et les inégalités de genre peuvent constituer de véritables obstacles à l’épanouissement personnel et professionnel des femmes. Son parcours est un appel à une profonde réflexion sur la nécessité de transformer notre société. Pour construire un avenir où chaque individu, quel que soit son genre, puisse s’épanouir pleinement, il est impératif de démanteler les structures patriarcales et de promouvoir l’égalité des chances. En soutenant des initiatives locales, en améliorant les politiques publiques et en sensibilisant l’opinion publique, nous pouvons œuvrer pour un monde où les femmes, comme Rose, ne seront plus limitées par les attentes sociales mais pourront librement choisir leur destin.

DA B. Jeanne d’Arc

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Forum pour l’autonomisation économique des femmes

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