Le WIC Capital, c’est l’histoire d’une sororité agissante. Un fonds d’investissement exclusivement féminin, créé par des femmes pour des femmes, avec une mobilisation initiale de fonds de plus de 3 milliards FCFA. Ce fonds innovant concède des financements jusqu’à hauteur de 300 millions FCFA aux entrepreneures qui réalisent au moins 50 millions FCFA de chiffre d’affaires. Répliqué en Côte d’Ivoire, des démarches sont en cours pour tenter d’implémenter WIC Capital en Afrique orientale. Un coup de maître des femmes sénégalaises !
La saga de Women’s Investment Club Senegal (WIC);
On n’est jamais mieux servi que par soi-même. Qui mieux que des femmes pour mieux servir les femmes ? Qui mieux que des femmes pour mieux comprendre les obstacles, les barrières auxquelles leurs sœurs et filles entrepreneures font face pour leur besoin de financements ?
Non-maîtrise des codes des investisseurs, difficultés à présenter de garantie, parfois mésestimées, exclues, négligées ou reléguées au second plan parce que femmes. Tout simplement. C’est cet environnement d’affaires d’exclusion et de restriction qui a concouru à l’avènement de cette sororité agissante qui semble très prometteuse. Alors c’est quoi réellement le WIC Sénégal et quelles sont ses ambitions ?
Le Women’s Investment Club (WIC), ce sont 3 entités aux actions complémentaires : WIC association crée en 2016, le WIC Capital qui est le fonds d’investissement, créé en 2019 et la WIC Academy, qui est le véhicule d’assistance technique qui apporte de la formation aux femmes créé en 2020. Les trois entités n’ont que le même objectif : accompagner les femmes d’affaires dans leurs projets entrepreneuriaux. Ah les femmes ! C’est elles dans elles hein !
L’élément déclencheur d’une histoire prometteuse
Permettez-moi de vous raconter le WIC. L’idée germe et prend forme en 2015 dans la tête d’un groupe de femmes, à la suite d’une visite à Dakar de Christine Lagarde, alors directrice générale du FMI et qui, à l’occasion, avait souhaité rencontrer les femmes entrepreneures autour d’un petit-déjeuner. Lors des discussions, il est ressorti que l’accès aux financements est un défi majeur et persistant pour les femmes. Au sortir de cette rencontre la réflexion est amorcée par 4 d’entre les femmes présentes à ce rendez-vous d’affaires. Il s’agit de Thiaba Camara Sy, Madji Sock, Seynabou Seck et Alassane Wade. Elles décident de faire quelque chose.
Presqu’un an après, cette réunion, Women’s Investment Club, l’association est créée et compte une centaine de membres. Mais dès le départ, en 2015, les fondatrices visaient la mise sur pied d’un fonds d’investissement. Étrangement, ce n’est que 4 ans après l’association qu’elles réussissent la création du fonds. Cela a nécessité autant de temps parce que les initiatrices tenaient à ce que le fonds soit absolument domicilié au Sénégal. Et le pari est gagné alors même que le cadre législatif ne s’y prêtait pas. Comment fonctionne le WIC Capital ?
Un chèque de 5 millions comme dépôts initial par membre
Le WIC, ce n’est pas de l’humanitaire, c’est du vrai business. Chaque adhérente à l’association dépose un premier chèque de 5 millions FCFA et sur 5 ans, puis tentera d’économiser à peu près 100.000 par mois pour parvenir à 11 millions au total de mise dans le fonds. L’épargne initiale ainsi collectée est d’abord placée en bourse avant d’être appelée par le Fonds d’investissement, explique Astou Dia, la présidente de WIC Sénégal, par ailleurs membre du conseil d’administration. Ainsi, auprès de ses 99 membres, le WIC capital a pu collecter plus d’un milliard F CFA. En plus de l’épargne des membres, WIC capital s’évertue à lever les fonds auprès d’institutions de développement, des banques d’investissement, etc. Le fonds a ainsi pu clôturer sa première levée de fonds avec plus de 3 milliards FCFA et réaliser des investissements jusqu’à 300 millions FCFA dans certaines entreprises avec de belles perspectives. « Le premier fonds a réalisé des investissements entre 50 millions et 300 millions en termes de ticket d’investissement. On est plutôt sur un ticket moyen entre 100 et 120 millions FCFA », précise la présidente. Pour les membres de l’association ce n’est que le début et elles ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. Au contraire !
Une nouvelle levée de fonds de 20 milliards en vue
Galvanisé par cette première levée, WIC Capital se lance un nouveau challenge. Une nouvelle levée, plus ambitieuse. Objectif fixé ? Mobiliser 30 millions d’euros (presque 20 milliards de FCFA). Ce sera toujours le même mécanisme, une partie du fonds apporté par les membres de l’association. Et pour des raisons stratégiques, le prochain fonds, plus consistant, sera domicilié à l’Île Maurice, une place financière incitative bien connue du continent. Le choix de Maurice vise à lever davantage de fonds auprès d’institutions financières internationales. Avec le nouveau fonds en perspective, WIC Capital prévoit de réaliser des investissements jusqu’à 650 millions FCFA (1 million de dollars) toujours au profit des femmes.
En tant que «fonds commercial et à impact », le WIC a une exigence de rentabilité et de croissance. Toutefois, le plus important pour les membres, c’est moins le retour sur investissement. « Le plus important pour nous, c’est aussi l’impact que l’entreprise va avoir pour le pays, la région et donc, on regarde à la fois la solidité du business en même temps que le métrique d’impact en termes de création d’emplois, d’impacts socio-économique et environnemental », a soutenu Astou Dia, présidente et membre du conseil d’administration.
Qui peut accéder au fonds de WIC Capital ?
WIC capital investit dans des entreprises créées ou dirigées par des femmes, des entreprises ayant entre 2 et 5 ans d’existence et qui font au minimum 50 millions de chiffre d’affaires par an avec la perspective qu’elles puissent atteindre 500 millions au cours de la période d’accompagnement du WIC qui est de 6 à 7 ans au plus. Cependant, s’il y a «une opportunité de sortie », l’entrepreneure peut sortir avant les 7 ans requis. Le fonds ne fait pas de ségrégation entre femmes du monde rural et femmes des villes. En revanche, toute prétendante au financement du WIC, où qu’elle réside et travaille, doit se soumettre aux critères ci-dessus énumérés.
Le modèle de financement est tripartite. D’après ce modèle de financement, si une entrepreneure cherche à lever 300 millions par exemple, le WIC apporte 100 millions, la Délégation de l’entrepreneuriat rapide (DER) avec qui le WIC est en partenariat apporte les 100 millions et les 100 autres millions seront apportés par des investisseurs individuels ou d’autres. « Lorsqu’on a un dossier d’investissement, généralement, on va également l’ouvrir et le proposer à d’autres investisseurs. Donc on parle généralement d’un effet de levier avec notre investissement à nous qui est entre 3 et 4 ».
Les investissements sont principalement réalisés dans une dizaine d’entreprises au Sénégal et en Côte d’Ivoire depuis le lancement de WIC Capital. « Sur ces 10 entreprises, on a de belles croissances même si ce n’est pas encore complètement réalisé. On espère que d’ici deux à trois ans, on pourra faire une première sortie, avoir des résultats chiffrés sur la rentabilité de nos investissements. »
Le coaching des femmes est indispensable.
Le WIC Sénégal tient aussi à valoriser « toutes les actions menées par les membres à travers la WIC Academy pour soutenir des entrepreneures même si elles ne peuvent pas recevoir directement les financements de WIC Capital». Grâce à la formation de WIC Academy, elles sont outillées et peuvent aller chercher des financements auprès d’autres institutions financières locales aussi bien au Sénégal qu’en Côte d’Ivoire. «Aujourd’hui, se félicite Astou Dia, on a une très belle marque et une très belle image sur ce qui est accompagnement des femmes aussi bien en termes de financement qu’en termes d’accompagnement technique ».
Le WIC a été répliqué en Côte d’Ivoire en 2018 et compte une quarantaine de membres. Des discussions sont en cours avec des pays comme le Rwanda, le Burundi et aussi la Guinée voisine afin de le répliquer dans ces pays. On ne peut que saluer le courage de ces braves femmes pour cette vision et cet engagement pour l’autonomisation des femmes.
WIC Capital est une belle initiative qui contribue absolument à l’autonomisation économique des femmes. Une précieuse initiative qui mérite duplication à l’échelle du continent. Créé par des femmes pour des femmes et autogéré par des femmes, WIC Capital aidera le Sénégal et la Côte d’Ivoire dans l’atteinte de l’objectif 5 du développement durable dont l’échéance est fixée à 2030. Quand les femmes décident, elles sont inarrêtables ! Vive la sororité agissante.
Frédéric ATAYODI